Sujet épineux et délicat qu’est la consommation d’alcool chez la personne souffrant du trouble bipolaire … L’alcoolisme serait pourtant une addiction majoritaire du syndrome de bipolarité; pour certains une cause ( virage maniaque ) et pour d’autres une conséquence obligatoire … Boire, reboire et déboire : Petit détour sur cette décision de consommer excessivement des boissons alcoolisées pour y trouver une issue de secours éphémère …
Quels sont les signes d’un trouble de l’alcoolisme ?
Définition courte d’un problème d’alcool : Consommation difficile qui devient grave .
On peut reconnaître un problème avec l’alcool quand une personne :
- A très souvent une furieuse envie de boire .
- A une consommation excessive continue, même si cela nuit à ses relations sociales .
- A une nécessité de boire toujours plus pour ressentir les mêmes effets .
- A une consommation toujours plus importante que la précédente .
- A un intérêt plus important pour boire plutôt que pour des activités plaisantes auparavant …
- A une volonté de boire, même si cette consommation rend anxieux(se) ou déprimé(e) .
- A du mal à retrouver ses esprits après une nuit d’ivresse, sans que cela ne l’inquiète …
- A des difficultés pour réduire ou arrêter de boire quand elle le souhaite .
- A une conduite dangereuse et affirmée sous l’emprise de l’alcool ( sexe, conduite, travail ) .
- A une vie professionnelle minime à cause de l’alcool ( travail, études ) .
- A des symptômes de sevrage, manque, comme des troubles du sommeil, une agitation soudaine, des tremblements, une transpiration excessive, une dépression, des nausées, des angoisses, etc etc …
Plus les symptômes sont nombreux et plus le besoin rapide de prise en charge médicale est importante .
Quelles sont les causes d’une addiction à l’alcool chez le bipolaire ?
Une personne qui souffre de bipolarité n’est pas moins intelligente qu’une autre et elle sait très bien que boire de l’alcool lui provoquera une forme d’instabilité au niveau de son humeur et de son comportement . Pourtant, même avec cette connaissance, le bipolaire va boire MAIS SANS VOULOIR penser aux conséquences d’un tel acte « d’auto-torture » . La cause qui ressort fréquemment quand on demande « pourquoi tu bois ? » à une personne bipolaire : Pour oublier cet avenir trop « écrasant » … C’est un besoin compulsif avant tout . Voici les autres raisons pour lesquelles une personne bipolaire peut avoir envie de boire de l’alcool à outrance :
- Arrêter la douleur pendant un moment
- Oublier sa maladie
- Ne plus être angoissée et se sentir normal(e) le temps d’un instant
- S’auto-médicamenter
- Ne plus ressentir cette instabilité perpétuelle, « être mentalement autre part » à tout prix
- S’auto-punir
Les décisions prises sous l’effet de l’alcool sont bien différentes qu’en étant sobre . L’alcool aide à s’évader, mais cela ne dure jamais indéfiniment, le sentiment de honte arrive et replonge la personne dans une dépression encore plus profonde . Noyer cette douleur mélancolique peut alors faire rentrer le bipolaire dans le cercle vicieux de l’alcoolisme afin de pas ressentir ce dégoût personnel que cause la culpabilité et la honte . Certains bipolaires commencent à boire pour être heureux et finissent par boire pour ne plus souffrir …
Comme agit l’alcool sur le cerveau ?
L’alcool fait partie des dépresseurs et diminue considérablement le niveau de sérotonine dans le cerveau . Plus la quantité de sérotonine est faible et moins la personne comprendra que boire de l’alcool est risqué – c’est pour cela que plus une personne boit et plus il sera difficile pour elle de s’arrêter – … C’est comme manger beaucoup de produits sucrés et rester calme; mission impossible !
On sait que le trouble bipolaire affecte constamment nos sentiments, pensées ainsi que nos actions; c’est pareil pour l’alcool ! Cela est en partie dû aux neurotransmetteurs qui servent à transmettre des signaux d’un nerf à l’autre à l’intérieur de notre cerveau . Ce sont ces types de signaux qui sont transmis à travers notre cerveau quand nous buvons de l’alcool pour que l’on se sente détendu . L’anxiété diminue alors progressivement et nous perdons nos inhibitions . Plus nous consommons de l’alcool et plus notre cerveau est fragilisé . L’effet dépresseur disparaît au fur et à mesure que le niveau d’alcool que nous buvons augmente; les émotions deviennent alors plus négatives : colère, agressivité, anxiété ou dépression font leur apparition …
L’alcool chez le bipolaire : Consommation modérée ou abstinence ?
On appelle cela un trouble de l’alcoolisme : C’est une surconsommation d’alcool qui est souvent associée à la bipolarité chez plus de 50% des personnes bipolaires ( indice variable entre 45% et 70% selon les études ) . Il est souvent répété et (re)répété qu’une personne bipolaire ne doit pas consommer d’alcool, mais dans la réalité, combien sont-elles à respecter cette règle ? Il serait certainement impossible de le savoir réellement … Quand on interdit une chose à une personne, que fait-elle ?

Alors, quand on souffre d’un trouble, il est encore plus tentant d’enfreindre des règles, surtout quand cela aide à oublier le désespoir d’une maladie; comme le trouble bipolaire avec l’alcool … Et si une alternative existait ? Ne pas interdire l’alcool, mais opter plutôt pour une consommation modérée … Le premier problème qui se pose alors ( et qui va en faire bondir beaucoup ! ) est que, malheureusement, la principale faiblesse du bipolaire est qu’il ne sait pas se réguler, surtout en période de crise, de consommation, d’addiction … Que faire alors ? Boire ou ne pas boire ? Peut-on vraiment reconsidérer l’interdiction de boire de l’alcool pour une personne atteinte de troubles bipolaires ? Passons par des mises en situations que beaucoup de patients s’y retrouveront …
Conséquences de la consommation modérée d’alcool chez une personne bipolaire
Lors d’une soirée, la plupart des personnes ont un verre d’alcool à la main, c’est pourquoi il est tentant d’en avoir un aussi, pour se fondre dans le paysage et paraître sociable, mais aussi pour diminuer ses angoisses peut-être, arriver à bouger et à se joindre à cette ambiance festive … Ça c’est la situation commune à beaucoup de personnes, en bonne comme en mauvaise santé, mais il est clair qu’elle devient 10x plus complexe quand on souffre de troubles bipolaires !
Pour une personne bipolaire, cette boisson alcoolisée est bien plus qu’un simple verre, c’est un médicament … L’alcool peut augmenter ou diminuer l’humeur, rendre euphorique une personne ou la faire déprimer; mais ce n’est jamais dans le bon sens . Une personne bipolaire en dépression qui va boire de l’alcool va encore plus sombrer dans la dépression, tandis qu’une personne bipolaire en période de manie qui boira de l’alcool se verra être encore plus euphorique ( les premiers instants ) !!! L’alcool pris en période de crise est donc un « médicament nocif » … D’ailleurs, dans certains rares cas, la consommation excessive d’alcool peut rendre difficile le diagnostic d’un trouble bipolaire …
Il faut bien rappeler qu’une personne alcoolique n’est pas forcément bipolaire ( et vice-versa ) . C’est pourquoi il est très difficile de dissocier ou d’associer ces 2 troubles quand ils sont identifiés chez le patient .
Mais pourquoi tant de personnes maniaco-dépressives cherchent à boire de l’alcool alors qu’elles savent que c’est interdit, que cela aggravera obligatoirement et inévitablement leurs symptômes présents ? … C’est comme si elles cherchaient un juste-milieu, une consommation limite possible . La raison principale ? Se sentir normal en soirée, ne pas être mis de côté par les amis; pourquoi les autres peuvent-ils boire et pas elles ? Faire comme tout le monde en soirée, ou encore, boire un verre pour fêter la fin de semaine, encore une fois, « comme tout le monde » ! Alors, si on reprend la logique de ne pas se sentir exclu de la société et donc ne pas s’isoler, afin de ne pas rentrer dans une mini forme de mélancolie-dépressive, il faudrait arriver à consommer modérément de l’alcool même avec un trouble bipolaire ? Juste un verre peut-être : Les symptômes seraient minimes par rapport à la prise très modérée d’alcool et le niveau social serait également au rendez-vous …
Ce sont ces petites « pseudos-logiques » qui posent problème dans le comportement alcoolique d’une personne bipolaire, car il existe 1000x plus de preuves attestant que la bipolarité et l’alcool ne vont pas bien ensemble .
Le vrai problème entre l’alcool et la bipolarité est la façon dont cette boisson agit sur l’humeur . Une personne peut boire pour cacher ses angoisses et sa déprime, l’alcool est alors utilisée comme une forme d’auto-médication . Le premier verre pourra agir comme un « faux antidépresseur » ( rire, joie et désinhibition ) ou comme un « dépresseur » ( effet anxiolytique, sédatif, hypnotique ) pendant un court moment, mais au fil des verres et du temps, l’alcool aggravera significativement la dépression bipolaire ( pleurs, souvenirs mélancoliques ) à cause de la baisse du taux d’alcoolémie qui ralentira toute cette « pseudo-euphorie » .
Une humeur élevée sous l’effet impulsif de l’alcool peut également provoquer d’autres conséquences graves comme des dépenses financières excessives, des comportements sexuels inappropriés ou des gestes et paroles grandioses et irréels . L’alcool agit sur l’humeur ET sur le comportement grâce à une prise de décision facilitée; les sensations de risque sont amoindries . C’est aussi valable pour le passage à l’acte du suicide : Une personne alcoolisée mais incapable de passer à l’acte, pourrait, sous l’influence de l’alcool, être plus enclin à agir; trouvant la gravité du geste « moins-mortel » …
L’abstinence, la meilleure solution pour ne pas avoir un double diagnostic
60% : C’est le pourcentage de (mal)chance de développer un trouble alcoolique, à un moment de leur vie, pour les personnes atteintes de troubles bipolaires . Donc, encore une logique, si on s’abstient de toute consommation alcoolisée, le risque de souffrir d’alcoolisme est nul !!! Malgré tout, ces études ne suffisent toujours pas à comprendre tous les rapports entre l’alcool et le trouble bipolaire . Pourquoi le trouble bipolaire augmente considérablement le risque de troubles alcooliques et/ou vice-versa ? Selon le Pr. Kranzler ( psychiatre Américain ), il est fort probable que l’alcool modifie les niveaux de neurotransmetteurs ainsi que leur métabolisme et production, mais le schéma de fonctionnement général n’est pas vraiment clair . Le principal souci de l’alcool sur les personnes bipolaires est sa façon d’interagir avec les humeurs .
L’impulsivité jouerait bien un rôle clé car, selon une étude de 2013 qui comparait :
- 47 patients avec un diagnostic de bipolarité + un diagnostic de trouble alcoolique
- 66 patients avec un diagnostic de trouble bipolaire seul
- 90 personnes sans aucun diagnostic
Les personnes ayant le double diagnostic, bipolaire + alcoolisme, avaient des taux d’impulsivité bien plus importants que les 2 autres groupes de participants .
Les chercheurs travaillent également sur une cause héréditaire « alcool et bipolarité » . Certains traits génétiques affectant la chimie du cerveau et associés aux troubles bipolaires peuvent aussi être en cause dans la méthode de fonctionnement du cerveau par rapport à la consommation d’alcool et d’autres drogues; augmentant ainsi le risque d’être bipolaire et alcoolique ( ou toxicomane ) pour ces générations .
Il faut savoir que la consommation d’alcool, même minime, nuit à l’efficacité des traitements contre la maniaco-dépression . Cela peut même engendrer des effets secondaires graves comme des crises de colère bien plus importantes qu’en temps normal . Ce sont les médicaments qui interagissent négativement avec l’alcool, et qui peuvent alors perdre leur efficacité . Par exemple, la somnolence est un effet indésirable de l’association médicaments + alcool .
Pourquoi il ne faut pas boire d’alcool quand on est bipolaire ?
Analyser, comprendre et savoir sont les 3 verbes importants quand on veut arrêter définitivement l’alcool .
Analyser sa consommation d’alcool :
- Quelle est la quantité d’alcool que je bois quotidiennement ?
- À quel moment j’arrive à arrêter de boire ?
Comprendre pourquoi on boit de l’alcool :
- Est-ce que j’ai des antécédents d’alcoolisme dans ma famille ?
- Quelles sont les raisons de ma consommation excessive d’alcool ?
- Est-ce que je bois pour arriver à trouver le sommeil ?
Savoir pourquoi on doit arrêter de boire de l’alcool :
- La consommation d’alcool pour améliorer sa situation n’est pas la bonne solution .
- La consommation d’alcool permet de s’endormir rapidement, mais le risque de se réveiller en pleine nuit n’est pas exempt; Arriver à retrouver le sommeil sera quasi impossible ensuite … Où est le bénéfice ?!!
Quand on consomme de l’alcool et que l’on souhaite arrêter, il faut rester honnête avec soi-même et se sevrer petit à petit en s’imposant des limites évolutives :
- Ne pas se mentir sur les quantités d’alcool consommées
- Ne jamais boire seul ( boire avec une autre personne afin d’être en sécurité )
- Ne plus boire plus que l’on devrait
- Arrêter de boire dès que l’on sent que son humeur vacille
Quand on souffre de bipolarité, il devient très compliqué de se rendre compte que l’alcool nous rend pire; C’est comme s’il existait un sentiment de déni ! C’est la raison pour laquelle le soutien familial ou amical est très important dans les moments du sevrage alcoolique .
La tolérance zéro est la meilleure des solutions pour une personne bipolaire en ce qui concerne la consommation d’alcool, mais si le mal est déjà fait, un sevrage progressif et avec beaucoup de soutien est indispensable pour arriver à retrouver une addiction nulle et une possible modération avec le temps . Arriver à contrôler sa consommation d’alcool est un travail très long à faire sur soi, car encore une fois, un faible niveau d’alcool n’est pas problématique, cela dépend uniquement de chaque patient : La façon et la raison de boire sont en première ligne . L’avis du médecin est également très important et ce dernier peut prescrire un traitement contre cette addiction, comme le Seresta par exemple . Une chose est certaine, en période de crise, manie ou dépression, il ne faut pas boire d’alcool, quel que soit son niveau de contrôle .
Pour finir, il faut toujours se rappeler que l’oubli n’est que temporaire sous l’influence de l’alcool, les problèmes finissent toujours par revenir et ils sont souvent bien plus intenses . Commencer à boire excessivement, c’est comme rentrer dans un cercle vicieux : Boire pour espérer être mieux et finir par boire pour calmer la douleur d’un manque qui n’existait pas auparavant; celui de l’alcool …
Si vous avez des problèmes d’alcool avec un diagnostic de troubles bipolaires, n’hésitez pas à nous raconter votre expérience sur le forum des bipotes ou en commentaire ci-dessous !

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